- MONDE (LE)
- MONDE (LE)MONDE LELe seul journal quotidien de la presse française qui fasse figure d’institution nationale et dont l’audience internationale se compare à celle des «grands» anglo-saxons (quotidiens comme le New York Times ou le The Times de Londres, ou hebdomadaires comme l’Economist ). Le Monde est aussi un cas unique dans la presse française de l’immédiat après-guerre. Il n’est pas «issu de la Résistance», comme beaucoup d’autres, mais du vœu de ministres (surtout démocrates-chrétiens) du Gouvernement provisoire de la République française, désireux de voir renaître un grand quotidien aussi prestigieux que Le Temps avant la guerre. Il faut un «patron». Le choix se porte sur Hubert Beuve-Méry, ancien professeur de droit international à l’Institut français de Prague, qui, correspondant du Temps en Tchécoslovaquie, avait démissionné avec éclat après Munich. Le Monde — dont le premier numéro paraît le 19 décembre 1944 — sera pourtant loin d’être, suivant le «modèle», l’organe officieux du Quai d’Orsay; à une équipe formée d’anciens du Temps et de journalistes débutants, Beuve-Méry communique son ombrageux esprit d’indépendance. Ce sera encore moins l’organe occulte d’un quelconque groupe d’intérêts (le Comité des forges s’était rendu maître du Temps en 1931). Le Monde renonce à (ou rembourse) l’aide financière et matérielle qu’il a reçue (comme les journaux issus de la Résistance) des pouvoirs publics et pratique une austère politique d’équilibre financier, puis d’autofinancement, en même temps que d’atomisation de la publicité, qui lui assure une stricte indépendance économique, condition de l’indépendance politique voulue et affirmée. Si vite affirmée que le journal doit affronter, à partir de 1947, plusieurs offensives de la part des milieux politiques, en raison de la position dite de neutralisme international que développe en particulier le philosophe Étienne Gilson. Après la démission, reprise en 1949 et confirmée en 1951, de deux membres du comité directeur, Beuve-Méry est lui-même contraint de démissionner lorsque les rédacteurs refusent de se voir imposer un directeur qui n’aurait pas leur agrément (initiative qui est à l’origine de la création d’une Société de rédacteurs). Les affaires d’Indochine et d’Algérie motiveront d’autres offensives politiques de la part des milieux industriels et financiers qui, après s’être efforcés de détourner du Monde des contrats publicitaires, injectent des capitaux à un quotidien réputé concurrent, L’Information , puis réunissent un milliard d’anciens francs pour favoriser la création du Temps de Paris , qui ne paraîtra que soixante-six jours en 1956. Une nouvelle tentative pour lancer un concurrent au Monde sera menée par Joseph Fontanet, sans succès, avec J’informe , qui paraîtra entre le 20 septembre et le 20 décembre 1977. Hubert Beuve-Méry se retire à la fin de 1969, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du quotidien. Il est remplacé par Jacques Fauvet. Le 1er juillet 1982, André Laurens est élu à la succession de Jacques Fauvet.Depuis 1952, les journalistes du Monde participent, par l’intermédiaire de la Société des rédacteurs, au capital de l’entreprise, qui est réparti en trois groupes: les fondateurs, les sociétés du personnel (rédacteurs, cadres et employés) et le gérant en fonction.Malgré un fléchissement du tirage en 1952-1953, les offensives contre le quotidien n’affectent ni l’audience ni la progression des ventes. Le tirage quotidien moyen double de 1945 (100 000 exemplaires) à 1958, et de nouveau de 1958 à 1967; il franchira le cap des 500 000 exemplaires à l’automne de 1973. Malgré des brimades mineures (comme le blocage du prix de vente par le gouvernement Mollet en 1956) et une longue période d’austérité, Le Monde s’acquitte en un temps record de ses obligations de rachat vis-à-vis de la société du Temps (dont il a repris les installations), modernise son matériel et crée même une seconde imprimerie, augmente l’effectif de son personnel (il emploie jusqu’à 1 120 personnes, dont 158 journalistes), assurant aux journalistes une situation matérielle comparable, sinon supérieure, à celle que leur font les autres quotidiens de Paris, qui, dans le même temps, enregistrent de fortes baisses de tirage.Le Monde est devenu en 1980 le premier quotidien national, bénéficiant de la baisse générale d’audience des deux quotidiens populaires France-Soir et Le Parisien libéré , ainsi que de celle de son concurrent du matin, Le Figaro . Mais, depuis 1981, la situation financière du quotidien devient plus difficile. Des pertes d’exploitation ont été enregistrées pour la première fois en 1982 (371 261 exemplaires), et la diffusion diminue régulièrement depuis cette date, entraînant une baisse des recettes de publicité et des petites annonces. En janvier 1985, l’élection d’André Fontaine à la direction du journal, en remplacement d’André Laurens, va permettre l’adoption d’un plan de redressement visant à la fois à la réduction du déficit d’exploitation — mais permettant la modernisation de la fabrication — et à l’informatisation de la rédaction. Bernard Wouts, administrateur général, et Daniel Vernet, rédacteur en chef, vont en être les artisans: la publicité est filialisée; les salaires sont bloqués, et des départs encouragés; le prix de vente est augmenté, et la décision est prise de quitter les locaux de la rue des Italiens pour installer la rédaction dans le XVe arrondissement de Paris. Une augmentation du capital est décidée en septembre 1985 avec une ouverture sur l’actionnariat extérieur, en particulier celui des lecteurs par l’intermédiaire de la Société des lecteurs créée à cette occasion, et Le Monde Entreprises . Cette première étape permet de relancer certains projets: supplément Rhône-Alpes en janvier 1986, service télématique du Monde en janvier 1986 avec la mise à disposition du texte intégral du journal. Dès 1987, la diffusion remonte de 10 p. 100, et en mars, deuxième phase du plan de redressement, un accord industriel intervient entre Le Monde et le groupe Hachette pour la restructuration et la modernisation de l’imprimerie de presse parisienne. Il s’agit d’installer, à Ivry, une imprimerie ultramoderne ouverte à la participation de plusieurs journaux, et qui offre ainsi aux partenaires toute la palette des dernières innovations techniques: offset, couleurs, informatisation du contrôle de l’impression et de la préparation de la distribution avec une certaine souplesse de fonctionnement permettant l’impression de suppléments ou de cahiers encartés, par exemple. Cette imprimerie sera connectée aux rédactions qui, elles, sont progressivement informatisées. Ce programme de modernisation s’est poursuivi à travers de nombreuses vicissitudes sous la direction de Jacques Lesourne, qui a succédé en 1991 à André Fontaine. Sa mise en œuvre s’est accélérée avec l’arrivée à la tête du directoire et de la publication de Jean-Marie Colombani, pour aboutir, en janvier 1995, au lancement d’un «nouveau» Monde . Un rajeunissement de la présentation, une meilleure intégration des informations internationales et nationales, une plus large place faite aux sujets de société (pages Horizons et Débats) ainsi que le recours, moins exceptionnel que par le passé, aux documents photographiques caractérisent la nouvelle formule.Les contraintes liées à la modernisation et à la reconquête du lectorat ont permis une évolution du contenu, sans que Le Monde y perde son «âme», c’est-à-dire son indépendance politique et financière.La variété, la qualité des informations, des commentaires du Monde en ont fait un journal de référence pour la classe politique, les milieux industriels et financiers, les universitaires et les étudiants... Avec la formule rénovée, Le Monde a instauré la fonction de médiateur (confiée à André Laurens) qui ouvre aux lecteurs un dialogue permanent avec le rédacteur.Source documentaire importante, sinon irremplaçable, le centre de documentation du quotidien est entièrement associé au processus de modernisation et a pu bénéficier des investissements informatiques pour réaliser une banque de données en texte intégral du journal, banque de données d’abord destinée aux journalistes, mais désormais accessible sur le kiosque télématique.L’entreprise Le Monde édite également une sélection hebdomadaire destinée aux abonnés étrangers et divers mensuels: Le Monde diplomatique , Le Monde des philatélistes , Le Monde de l’éducation , Dossiers et documents du Monde , dossiers documentaires thématiques reprenant des articles déjà publiés par le quotidien.
Encyclopédie Universelle. 2012.